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La semaine du droit fiscal

Civil - Fiscalité des particuliers
19/04/2021
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit fiscal, la semaine du 12 avril 2021.
Fraude fiscale – enquête préliminaire – compte bancaire
« Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2019), à la suite d'une plainte de l'administration fiscale, à laquelle un procureur de la République avait transmis, en application de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales, des informations laissant supposer que M. X était titulaire de comptes bancaires ouverts, à son nom ou au nom d'une société de droit panaméen, dans les livres d'une banque établie en Suisse, ce dernier a été mis en examen par un juge d'instruction puis renvoyé devant un tribunal correctionnel des chefs de fraude fiscale par minoration des déclarations d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Parallèlement, l'administration fiscale a notifié à M. X une proposition de rectification, établie selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article 755 du code général des impôts, portant sur des rappels de droits d'enregistrement au titre de ses avoirs figurant sur neuf comptes étrangers.
Le 29 août 2014, l'administration fiscale a émis un avis de mise en recouvrement et, après rejet de sa contestation, M. X l'a assignée afin d'obtenir l'annulation de la décision de rejet et la décharge des sommes réclamées.
 
Selon l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales, dans sa version alors applicable, l'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle, même terminée par un non-lieu.
Il ne résulte pas de l'énumération des situations dans lesquelles l'autorité judiciaire est susceptible de transmettre de telles informations que le législateur ait entendu exclure du champ d'application de ce texte les éléments recueillis et transmis par un procureur de la République dans le cadre d'une enquête pénale.
En effet, il ressort des travaux parlementaires de la loi du 4 avril 1926 portant création de nouvelles ressources fiscales, dont les dispositions de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales sont issues, que l'objectif du législateur était de permettre à l'administration fiscale d'être informée, autant que possible, de présomptions de dissimulations ou d'évasions fiscales, quelle que fût la procédure en cause. A la lumière de l'évolution des règles de procédure pénale existant à la date des transmissions en cause, une interprétation contraire méconnaîtrait cet objectif.
C'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu que la transmission, par le procureur de la République, d'éléments recueillis dans le cadre de l'enquête préliminaire qu'il avait ouverte à la suite de la demande d'entraide internationale émanant des autorités helvétiques, n'était entachée d'aucune irrégularité.
Le moyen n'est donc pas fondé.
 
En matière de procédures de contrôle de l'impôt, à l'exception de celles relatives aux visites en tous lieux, même privés, les pièces issues de la commission d'un délit ne peuvent être écartées au seul motif de leur origine dès lors qu'elles ont été régulièrement portées à la connaissance de l'administration fiscale par application, notamment, de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales et que les conditions dans lesquelles elles lui ont été communiquées n'ont pas été ultérieurement déclarées illégales par un juge.
Après avoir relevé qu'il n'était pas contesté que les données informatiques versées au soutien de la plainte de l'administration fiscale contre M. X avaient été dérobées à la banque par un de ses salariés et avaient été obtenues au cours d'une perquisition légalement effectuée au domicile de ce salarié, en exécution d'une commission rogatoire internationale délivrée par les autorités judiciaires helvétiques, puis régulièrement communiquées à l'administration fiscale par un procureur de la République en application de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que l'administration fiscale ait confectionné les pièces litigieuses ni participé directement ou indirectement à leur production, le rapprochement et le décryptage des données informatiques ne pouvant s'analyser comme une confection d'éléments de preuve par une autorité publique.
L'arrêt retient encore que la proposition de rectification de l'administration fiscale est également fondée sur des éléments issus de l'information judiciaire ouverte pour fraude fiscale contre M. X et, notamment, de la perquisition régulièrement réalisée à son domicile, de ses propres déclarations ou de celles de membres de sa famille, dont la régularité n'a pas été mise en cause.
De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les troisième et quatrième branches, a déduit à bon droit que ces données constituaient des preuves admissibles, de sorte que la proposition de rectification notifiée à M. X par l'administration fiscale était régulière.
En conséquence, le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus.
 
Selon l'article 1355 du Code civil, l'autorité de la chose jugée attachée à une décision suppose une triple identité d'objet, de cause et de parties.
Ayant relevé que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 29 novembre 2018 avait pour objet le prononcé d'amendes fiscales sanctionnant le défaut de déclaration de comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger, prévues par l'article 1736 du Code général des impôts, tandis qu'elle-même était saisie de rectifications portant sur des droits de mutation à titre gratuit, prises sur le fondement des articles 1649 A et 755 du Code général des impôts et L. 23 C du Livre des procédures fiscales, la cour d'appel en a exactement déduit que l'autorité de chose jugée attachée à la décision de la cour administrative d'appel, qui avait un objet distinct, ne faisait pas obstacle à l'action portée devant le juge civil relative aux droits de mutation à titre gratuit.
Le moyen n'est donc pas fondé.
 
Il résulte de l'article 1649 A du code général des impôts que les personnes physiques domiciliées ou établies en France sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos à l'étranger, et de l'article 344 A de l'annexe III du même code, alors applicable, qu'un compte bancaire est réputé avoir été utilisé dès lors qu'il y a été effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, que ce soit par le titulaire du compte ou par une personne ayant procuration.
Ne constituent pas de telles opérations, d'une part, des opérations de crédit qui se bornent à inscrire sur le compte les intérêts produits par les sommes déjà déposées au titre des années précédentes, et, d'autre part, des opérations de débit correspondant au paiement des frais de gestion pour la tenue du compte.
Après avoir constaté que M. X était titulaire de cinq comptes bancaires détenus directement et qu'il était l'ayant droit économique de quatre comptes bancaires ouverts au nom de la société Thrumbo Management Corp, en ce qu'il avait la libre disposition des avoirs détenus sur ces derniers comptes, l'arrêt relève qu'il ressort de la proposition de rectification qui lui a été notifiée que les fiches de synthèse issues du fichier informatique provenant de la banque HSBC contiennent de nombreuses informations personnelles, qu'il a corroborées lors de ses  auditions au cours de l'information judiciaire.
Il relève encore que la société Thrumbo Management Corp a été créée le 24 mai 2006, que les comptes bancaires associés à cette société ont été ouverts la même année et que, pour les années 2006 et 2007, l'ensemble des comptes bancaires détenus par M. X, directement ou indirectement, ont connu de fortes variations démontrant leur utilisation active, consécutive à des arbitrages entre les différents actifs et non au seul enregistrement de frais financiers.
De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que M. X était titulaire et avait utilisé, au sens de l'article 344 A de l'annexe III du code général des impôts, les neuf comptes bancaires visés dans la proposition de rectification.
Les moyens ne sont donc pas fondés.
 
Ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que les dispositions de l'article L. 23 C du Livre des procédures fiscales et 755 du code général des impôts étaient destinées à permettre l'établissement de l'assiette de l'impôt et la fixation d'un taux d'imposition et que l'administration fiscale n'avait notifié à M. X ni pénalité ni intérêt de retard, la cour d'appel a exactement retenu que ces dispositions ne constituent pas l'application d'une sanction, ce dont il résulte qu'elles n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne porte que sur la rétroactivité des seules infractions et peines.
Le moyen n'est donc pas fondé.
 
L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, d'abord que la banque HSBC détenait des données personnelles précises et fiables concernant M. X, qu'il a confirmées lors de ses auditions réalisées dans le cadre de l'enquête pénale, ensuite, que la synthèse individuelle-code BUP mentionne qu'est lié à la société Thrumbo Management Corp un profil client lui-même lié à M. X et précise le solde des quatre comptes bancaires de la société, enfin, que les informations concernant la société Thrumbo Management Corp figurant sur le registre des sociétés du Panama concordent avec les informations détenues par la banque HSBC. Il relève encore que le document comportant deux parties intitulées « Explication sur la provenance des fonds » et « Pourquoi ce compte à l'étranger », dont M. X nie être l'auteur, fait référence à des informations personnelles et que, parmi les nombreux documents découverts au domicile de M. X par les enquêteurs, figurent, outre une carte de visite d'un « premier manager » de la banque HSBC aux Etats-Unis, un document reproduisant la manière dont les fonds étaient acheminés sur les comptes bancaires ouverts en Suisse.
En l'état de ces seules constatations et appréciations, dont elle a pu déduire, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que M. X était le bénéficiaire des comptes ouverts tant à son nom propre qu'à celui de la société Thrumbo Management Corp, ce dont il résultait que l'administration fiscale était fondée à établir les redressements portant sur des droits de mutation à titre gratuit, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
Le moyen n'est donc pas fondé ».
Cass. Com., 14 avr. 2021, n° 19-23.230, P *
 

Fraude – preuves
« Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 avril 2019), l'administration fiscale, à laquelle un procureur de la République avait transmis, en application de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales, des informations laissant supposer que M. et Mme X étaient, par l'intermédiaire d'une société, titulaires d'un compte bancaire ouvert dans les livres d'une banque établie en Suisse a, le 17 décembre 2010, déposé plainte contre eux du chef de fraude fiscale.
Parallèlement, l'administration fiscale a, après le décès d'Y. X, notifié à Mme X, le 19 janvier 2015, une proposition de rectification portant sur la réintégration à l'actif taxable à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), acquitté par elle au titre des années 2006 à 2011, les sommes détenues sur un compte ouvert auprès de cette banque .
Le 15 juin 2015, l'administration fiscale a émis un avis de mise en recouvrement et, après rejet de sa contestation, Mme X l'a assignée aux fins d'annulation de la décision de rejet de sa réclamation ainsi que de décharge des sommes réclamées.
 
Selon l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable, l'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle, même terminée par un non-lieu.
Il ne résulte pas de l'énumération des situations dans lesquelles l'autorité judiciaire est susceptible de transmettre de telles informations que le législateur ait entendu exclure du champ d'application de ce texte les éléments recueillis et transmis par un procureur de la République dans le cadre d'une enquête pénale.
En effet, il ressort des travaux parlementaires de la loi du 4 avril 1926 portant création de nouvelles ressources fiscales, dont les dispositions de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales sont issues, que l'objectif du législateur était de permettre à l'administration fiscale d'être informée, autant que possible, de présomptions de dissimulations ou d'évasions fiscales, quelle que fût la procédure en cause. À la lumière de l'évolution des règles de procédure pénale existant à la date des transmissions en cause, une interprétation contraire méconnaîtrait cet objectif.
En application de l'article L. 10-0 AA du même Livre, en matière de procédures de contrôle de l'impôt, à l'exception de celles relatives aux visites en tous lieux, même privés, les pièces issues de la commission d'un délit ne peuvent être écartées au seul motif de leur origine dès lors qu'elles ont été régulièrement portées à la connaissance de l'administration fiscale par application, notamment, de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales et que les conditions dans lesquelles elles lui ont été communiquées n'ont pas été ultérieurement déclarées illégales par un juge.
Après avoir constaté que les données informatiques versées au soutien de la plainte de l'administration fiscale contre Mme X, dont des extraits ont été transmis à l'appui des propositions de rectification, avaient été dérobées par un ancien salarié de la banque suisse dans les livres de laquelle elle avait ouvert un compte, et relevé que ces pièces ont été obtenues à l'occasion de la perquisition légalement effectuée au domicile de ce dernier le 20 janvier 2009, en exécution d'une commission rogatoire internationale délivrée par les autorités judiciaires hélvétiques, l'arrêt retient que les documents ont fait l'objet d'une communication régulière à l'administration fiscale les 9 juillet 2009, 2 septembre 2009 et 12 janvier 2010, conformément aux dispositions de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales. Il relève encore qu'il n'est pas établi que l'administration fiscale aurait confectionné les pièces litigieuses ni participé directement ou indirectement à leur production, le regroupement et le décryptage des données informatiques ne pouvant s'analyser comme une confection d'éléments de preuve par une autorité publique. Il en déduit que ces données ne peuvent pas constituer des preuves illicites.
En l'état de ces constatations et appréciations, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que les pièces, obtenues à l'occasion de l'exécution d'une commission rogatoire internationale, dans des conditions qui n'ont pas ultérieurement été déclarées irrégulières par un juge et dont elle a elle-même examiné la régularité, avaient fait l'objet d'une communication régulière par le procureur de la République à l'administration fiscale en application de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales.
Le moyen n'est donc pas fondé ».
Cass. Com., 14 avr. 2021, n° 19-18.616, P+R *
 

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 19 mai 2021
 
Source : Actualités du droit