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Indemnisation du préjudice économique : l’allocation aux adultes handicapés compte !

Civil - Responsabilité
31/10/2019
La réparation du préjudice économique des victimes par ricochet implique la prise en considération, dans le calcul des revenus du foyer, de l’allocation adulte handicapé (AAH) versée au disparu lors d’un accident de la circulation.
Une personne a été mortellement blessée dans un accident de la circulation impliquant un véhicule. Sa veuve et leurs quatre enfants ont assigné l’assureur en indemnisation de leurs préjudices, en présence de la caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM).

Pour débouter l’épouse de sa demande d’indemnisation de son préjudice économique, la cour d’appel retient que « le couple ne vivait, au jour du décès accidentel du mari, que des seules prestations de solidarité nationale, et qu’après ce décès, la situation nouvelle de [Madame], qui relève toujours de la solidarité nationale, devra être à nouveau appréciée à ce titre, de sorte que celle-ci ne peut justifier d’un préjudice économique réel à la suite au décès de son conjoint ». Ainsi, l’allocation adulte handicapé et son complément versés à la victime ne pouvait être retenus au titre de la réparation du préjudice, dans les modalités de calcul du revenu de référence du foyer.

La Cour de cassation censure cette décision pour violation de la loi. Elle énonce clairement qu’en refusant de prendre en considération l’allocation aux adultes handicapés versée au de cujus avant son décès pour déterminer le montant du revenu de référence du foyer et le préjudice économique subi par sa veuve en raison de son décès. Au visa du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, elle rappelle qu’ « en cas de décès de la victime directe, le préjudice patrimonial subi par l’ensemble de la famille proche du défunt doit être évalué en prenant en compte comme élément de référence le revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès de la victime directe en tenant compte de la part de consommation personnelle de celle-ci, et des revenus que continue à percevoir le conjoint, le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant » (Cass. 2e civ., 7 avr. 2011, n° 10-12.948).

Cette solution s’entend au regard de la règle de réparation intégrale du préjudice (Cass. 2e civ., 28 oct. 1954, Bull. civ. II, n° 328).

Concernant spécifiquement les prestations dépourvues de caractère indemnitaire (aides sociales, RSA, allocations de chômage, allocation pour adulte handicapé, etc.), qui ne visent pas à réparer le dommage et ont pour cause la solidarité nationale, il est de jurisprudence établie qu’elles ne doivent pas être déduites de l’indemnité fixée en réparation des préjudices économiques des victimes par ricochet, ni être ajoutées à leurs revenus postérieurs au décès pour réduire l’indemnité qui leur est due (sur le caractère indemnitaire de l’AAH, voir par exemple, Cass. 2e civ., 14 mars 2002, n° 00-13.917 ; Cass. 2e civ., 8 sept. 2016, n° 14-24.524 ; Cass. 2e civ., 7 mars 2019, n° 17-25.855).
Dans le même sens, le Conseil d’État a décidé que le préjudice économique peut consister en la perte de l'allocation aux adultes handicapés (CE, 5e et 4e ch. réunies, 16 mars 2016, n° 384747).
Source : Actualités du droit