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Revenus des non-résidents : report de la réforme

Civil - Fiscalité des particuliers
24/01/2020
La réforme de l’imposition des revenus des non-résidents issue de la loi de finances pour 2019 est non seulement reportée de 1 à 3 ans, mais égalementaménagée.
Les personnes physiques dont le domicile fiscal ne se situe pas en France sont soumises à une obligation fiscale restreinte,
dès lors qu’elles ne sont redevables de l’impôt sur le revenu qu’à raison de leurs seuls revenus de source française.

Ces derniers, dont la liste est fixée à l’article 164 B du CGI, s’entendent notamment des revenus tirés d’activités professionnelles, des pensions et rentes viagères.

Le montant de l’impôt dû par les non-résidents est calculé en application des règles de droit commun relatives à l’impôt sur le revenu dû par les contribuables domiciliés en France (CGI, art. 197, 1 et 2) : barème progressif, quotient familial…, à l’exclusion des réductions et crédits d’impôt, sauf exception. Il ne peut être, en principe, inférieur à 20 % du revenu imposable, ce taux étant ramené à 14,4 % pour les revenus ayant leur source dans les départements d’outre-mer. Toutefois, si le contribuable justifie que le taux moyen qui résulterait de l’imposition en France de tous ses revenus, de source française comme étrangère, serait inférieur à ce taux, il peut bénéficier de ce taux d’imposition moyen pour ses seuls revenus de source française.

Par dérogation au principe de recouvrement de droit commun, les traitements et salaires, pensions et rentes viagères donnent lieu, sous réserve du respect de certains seuils, à une retenue à la source (CGI, art. 182 A).

Le montant de la retenue à la source est déterminé par application, en fonction de la durée d’activité ou de la période  correspondant au paiement, d’un tarif progressif au montant net des sommes versées, déterminé conformément aux règles applicables en matière d’IR, à l’exclusion de celles qui prévoient la déduction des frais professionnels réels (application uniquement de la déduction forfaitaire de 10 % ou de l’abattement spécial de 10 %).

Outre les taux de 0 %, 12 % et 20 %, des taux spécifiques sont prévus pour les sommes payées en contrepartie de prestations artistiques et sportives et pour les gains issus de la cession des titres de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE).

Cette retenue à la source est partiellement libératoire. Seule la fraction excédentaire qui a été soumise à la retenue à la source au taux de 20 % (14,4 % dans les DOM) est imposée au barème progressif, avec les autres revenus de source française, mais  dans les conditions prévues à l’article 197 A du CGI, c’est-à-dire avec application d’un taux minimum égal à 20 % (ou à 14,4 % pour les revenus ayant leur source dans un DOM). La retenue prélevée au taux de 20 % (ou 14,4 %) est imputable sur le montant de l’impôt dû.

À l’inverse, le contribuable peut demander le remboursement de l’excédent de retenue à la source si cette retenue excède le montant de l’impôt dû en application du taux moyen d’imposition (CGI, art. 197 B). Afin de rapprocher le régime fiscal applicable aux salaires, pensions et rentes viagères versés aux non-résidents avec celui en vigueur pour les résidents au titre des mêmes catégories de revenus, l’article 13 de la loi de finances pour 2019 a apporté les modifications suivantes pour
les revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2020 (L. fin. 2019, n° 2018-1317, 28 déc. 2018, JO 30 déc.,
art. 13 ; voir Les Nouvelles fiscales n° 1237, p. 12) :
– détermination du montant de la retenue à la source, qui devient non libératoire, par application de la grille de taux dite par défaut utilisée pour le prélèvement à la source (PAS) des résidents (et non plus en utilisant le barème spécifique) ;
– modification de la base d’imposition de la retenue à la source qui sera constituée par le montant net imposable à l’impôt sur le revenu des sommes versées et des avantages accordés, déterminé comme en matière de PAS. Ainsi, le montant net imposable à l’IR sera déterminé, pour les traitements et salaires, avant déduction des frais professionnels (déduction forfaitaire de 10 % ou frais réels) et des abattements forfaitaires spécifiques en faveur des assistants maternels et familiaux ou des journalistes. Les pensions et rentes viagères à titre gratuit seront quant à elles retenues pour leur montant net imposable avant déduction de l’abattement de 10 %.

L’article 12 de la loi de finances pour 2020 modifie à nouveau les modalités d’imposition des salaires, pensions et rentes viagères de source française versés à des non-résidents de la façon suivante :
– suppression des aménagements apportés à la base et au montant de la retenue à la source par la loi de finances pour 2019, de sorte que le précédent mode de calcul de la retenue à la source – tant pour la détermination de l’assiette que pour l’application des taux de retenue à la source – continue à s’appliquer pour les revenus réalisés 
ou perçus à compter du 1er janvier 2020. 

Ainsi, pour les revenus 2020, le tarif de la retenue à la source est le suivant (après revalorisation) :
 
Fraction des sommes soumises à retenue Taux
inférieure à 14 988 € : 0 %
– de 14 988 € à 43 477 € : 12 %
supérieure à 43 477 € : 20 %

– report de la suppression du caractère partiellement libératoire de la retenue à la source à 2021. Il en est de même de l’application du nouveau plafond de 43 047 € pour l’imputation de la retenue à la source sur l’imposition des salaires versés en contrepartie de prestations artistiques (CGI, art. 182 bis) ;
– pour les revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2023, suppression de la retenue à la source spécifique pour les revenus de source française des non-résidents versés ou perçus (CGI, art. 182 A abrogé). En conséquence, les revenus des non-résidents seront imposés selon les modalités du PAS. En pratique, l’administration fiscale calculera, pour chaque contribuable, un taux personnalisé de prélèvement à la source, sur la base des revenus et de l’impôt établis pour les années 2021 et 2022.

Attention, une retenue à la source spécifique pour les revenus issus de l’actionnariat salarié sera maintenue.

Précision : jusqu’à présent, les revenus issus de l’actionnariat salarié réalisés par des non-résidents étaient soumis à la retenue spécifique de l’article 182 A du CGI (CGI, art. 182 A ter). Cette disposition ne trouvera plus à s’appliquer du fait de l’abrogation de l’article 182 A, auquel il fait référence.

Celle-ci sera calculée par application du taux neutre du PAS (CGI, art. 204, III-1-a et d), afin de conserver une harmonisation entre la détermination de la retenue à la source pour les revenus issus de l’actionnariat salarié et pour les revenus issus de salaires, traitement ou pensions.

En outre, les modalités de la détermination de l’assiette de la retenue à la source seront également modifiées puisque seront pris en compte les frais professionnels.

 
À noter
Le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport relatif à la fiscalité des revenus de source française des personnes n’ayant pas leur domicile fiscal en France avant le 1er juin 2020. Ce rapport devra établir un état des lieux de l’impact des évolutions récentes sur les non-résidents en 2020, tant sur leur mise en oeuvre pour l’administration et le contribuable que sur le niveau de recettes pour l’État imputable au taux minimum et au taux moyen respectivement. Il dressera également les perspectives attendues pour 2021, compte tenu des dispositions prévues par le Code général des impôts. Ce rapport pourra servir de base à d’éventuelles corrections et améliorations pour l’établissement du projet de loi de finances pour 2021. 

COMMENTAIRE
Le report de 1 an de l’entrée en vigueur de la réforme vise à tenir compte des modalités d’établissement du taux personnalisé
de prélèvement à la source, qui nécessitent de disposer du revenu imposable et de l’impôt acquitté en N-2. En effet, la suppression du caractère libératoire de la retenue à la source à compter des revenus réalisés ou perçus au 1er janvier 2021 se traduira par une harmonisation de l’assiette des revenus imposables entre les résidents et les non-résidents. Elle permettra ainsi à l’administration fiscale de définir le montant des revenus de source française imposables en 2021, ainsi que l’impôt sur le revenu correspondant, et donc in fine de calculer le taux de prélèvement personnalisé qui s’appliquera au contribuable non
résident entre le 1er janvier et le 31 août 2023.

Deux options seront dès lors envisageables pour les non-résidents :
– s’ils choisissent de déclarer uniquement leurs revenus de source française, leur taux d’imposition ne pourra être inférieur au taux minimum défini à l’article 197 A du CGI. Le taux personnalisé de prélèvement à la source devrait tenir compte de ce taux minimum ;
– s’ils choisissent de déclarer leurs revenus mondiaux (revenus de source française ou étrangère), et que le taux moyen résultant de l’application du barème de droit commun à l’ensemble de ces revenus est inférieur au taux minimum, c’est ce taux moyen qui s’appliquera à leurs revenus de source française.

Les non-résidents seront donc incités à déclarer des revenus mondiaux pour bénéficier d’un taux moyen inférieur au taux minimum.
Source : Actualités du droit