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Dessin humoristique et personnalité politique : les limites de la liberté d'expression

Pénal - Droit pénal général
Civil - Responsabilité
30/09/2016
Un dessin publié dans un journal, associant une candidate à l'élection présidentielle à un excrément, fût-ce en la visant en sa qualité de personnalité politique lors d'une séquence satirique d'une émission de télévision, dépasse les limites admissibles de la liberté d'expression. Telle est la solution énoncée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 20 septembre 2016.
En l'espèce, une chaîne de télévision du service public a diffusé au cours d'une émission, une séquence dans laquelle ont été montrées des affiches parodiques, publiées trois jours auparavant par le journal "Charlie hebdo", concernant les candidats à l'élection présidentielle. L'une de ces affiches présentait, de façon parodique et détournée, le slogan d'un parti d'extrême droite inscrit au dessus d'un excrément.

Le candidat du parti a déposé une plainte assortie de constitution de partie civile, du chef d'injure publique envers un particulier. Renvoyé de ce chef devant le tribunal correctionnel, M. P., président de la chaîne de télévision, et M. R., animateur de l'émission, ont été relaxés. La partie civile déboutée de ses demandes, a relevé appel de ce jugement. Pour confirmer le jugement en ses dispositions civiles, l'arrêt a retenu que si l'affiche litigieuse était particulièrement grossière à l'égard de la plaignante, il ne s'agissait pas d'une attaque contre sa personne, destinée à atteindre sa dignité, mais d'une pique visant la candidate à l'élection présidentielle, et que l'humour devait être largement toléré lorsqu'il vise, comme en l'espèce, une personnalité politique. Egalement, cette représentation se situe dans le registre d'une forme d'humour débridé, propre au journal "Charlie Hebdo", qui n'hésite pas à recourir à des figures scatologiques, et relèvent que l'animateur de l'émission a pris le soin de préciser le contexte satirique dans lequel devaient être compris les dessins présentés, manifestant ainsi clairement son intention de provoquer le rire, et non de présenter une image dégradante de la partie civile.

A tort pour la Chambre criminelle qui, au visa de l'article 33, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, ensemble l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, censure l'arrêt d'appel, prenant soin de rappeler qu'en matière de presse, il lui appartient d'exercer son contrôle sur le sens et la portée des propos poursuivis et que la liberté d'expression peut être soumise à des ingérences dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de l'article 10 précité.
Source : Actualités du droit