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Non-conformité ou défectuosité d'une machine : responsabilité et indemnisation

Civil - Responsabilité
15/12/2020
La Cour de cassation rappelle les conditions de recevabilité d’une action en résolution d’une vente d’une machine pour non-conformité, en l'occurence d'un matériel servant au travail de la vigne.
Faits et procédure. - Le gérant d’une société civile d’exploitation viticole (SCEV) se blesse en utilisant un matériel tout juste acheté servant au travail des vignes et doit subir une intervention chirurgicale. Il sollicite deux expertises en référé aux fins d'examen du matériel litigieux et d'évaluation de son préjudice corporel. Puis, avec la SCEV, il assigne le producteur en responsabilité et indemnisation, en sollicitant, d'une part, la réparation de son préjudice corporel, de la perte d’exploitation et du non-remplacement du matériel, sur le fondement des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants du Code civil, d'autre part, la résolution judiciaire du contrat de vente au titre d'un défaut de conformité du matériel. En première instance, le producteur est déclaré responsable du préjudice corporel subi par le gérant à hauteur de la moitié, celui-ci ayant commis une faute, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, et condamnée à lui payer différentes sommes à ce titre. Mais les autres demandes sont rejetées. La cour d’appel confirmant ce jugement, la SCEV et son gérant se pourvoient en cassation.
 
Sur la réparation des préjudices fondée sur la défectuosité du produit. - La cour d’appel a rejeté les demandes de la SCEV et du gérant au titre de la perte d'exploitation et au titre de l’absence de fourniture d’une machine de remplacement fondées sur la responsabilité du fait des produits défectueux car ces demandes concernent un « préjudice économique consécutif à l'atteinte à la machine litigieuse ».
 
La Cour de cassation confirme. Selon l'article 1386-2, devenu 1245-1 du Code civil, issu de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux s'appliquent à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne et du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même.
 
« Ce régime de responsabilité ne s'applique pas à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte au produit défectueux lui-même et aux préjudices économiques découlant de cette atteinte ». Les demandes de la SCEV, consécutives à l'atteinte au matériel en cause, n'étaient pas indemnisables sur le fondement des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants du Code civil.
 
Sur la résolution de la vente pour défaut de conformité du produit. - La cour d’appel déclare irrecevable l’action en résolution de la vente fondée sur le défaut de conformité du produit : le défaut de conformité allégué tenant à la sécurité du produit ne comportait aucun lien de causalité avec les dommages dont la SCEV poursuivait la réparation.
Pour les demandeurs, cette demande ne présuppose pas des dommages causés par cette chose mais uniquement sa non-conformité à ce que l'acheteur était en droit d'en attendre au regard de l'objet du contrat. L’engin vendu n’était pas conforme aux normes de sécurité obligatoires qui lui étaient applicables ; le producteur n’avait pas respecté la procédure de demande d’homologation nationale. La cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 1604 du Code civil.
 
La Cour de cassation s’appuie sur les articles 1386-2, devenu 1245-1, 1604 et 1184 du Code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, pour casser et annuler l’arrêt en ce qu'il déclare irrecevable l'action en résolution de la vente de la SCEV fondée sur le défaut de conformité du produit.
 
« Selon le premier de ces textes, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux s'appliquent à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne et du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même. En application des deuxième et troisième, l'acquéreur d'un bien peut agir en résolution de la vente en cas de manquement du vendeur à son obligation contractuelle de délivrance d'un bien conforme. »
 
« Cette action en résolution ne tendant pas à la réparation d'un dommage qui résulte d'une atteinte à la personne causée par un produit défectueux ou à un bien autre que ce produit, elle se trouve hors du champ de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 et de la loi du 19 mai 1998 qui l'a transposée, et n'est donc soumise à aucune de leurs dispositions. »
 
« Pour déclarer irrecevable l'action en résolution de la vente du matériel agricole pour non-conformité, l'arrêt retient que, si le régime de responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, c'est à la condition que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui tiré d'un défaut de sécurité du produit litigieux et que, sous le couvert d'une non-conformité du matériel acquis », la SCEV « reproche au producteur sa défectuosité résultant du défaut de sa sécurité ». La cour d'appel a violé les textes susvisés.
 
 
Source : Actualités du droit